COUR DE L’ARCHEVÊCHÉ
© Antoine d’Agata
Virus | organisé par Voies Off ::
Cour de l’Archevêché
Vendredi 3 et samedi 4 juillet 2020 de 22h à 2h
Entrée libre, par petits groupes
Antoine d’Agata
Voies Off :: Arles
En 2020, Voies Off aurait célébré son 25ème anniversaire. La pandémie a eu raison du Festival Voies Off dans sa forme habituelle. Cependant nous vous proposons, le temps de deux soirées, un événement visuel et sonore dans la Cour de l’Archevêché.
Dans les circonstances qui ont marqué le monde, nous avons souhaité vous faire découvrir VIRUS, le regard d’Antoine d’Agata sur le Covid 19 et ses résonances sociales et politiques.
L’artiste livre une scénographie dédiée dans ce lieu magnifique, pour une visite sous les étoiles.
« Nous travaillons dans le noir – nous faisons ce que nous pouvons – nous donnons ce que nous avons. Notre doute est notre passion et notre passion est notre tâche. »
Henry James
Dès le premier jour du confinement consécutif à l’épidémie de Covid-19, Antoine d’Agata a parcouru les rues de Paris avec une caméra thermique pour enregistrer, à sa manière, l’épisode viral qui a fait de la ville un étrange théâtre d’âmes errantes, de têtes baissées et de corps fuyants. C’est comme « agent de contamination » qu’il s’est engagé dans l’expérience ouverte par l’épidémie et le confinement. D’abord attiré par la façon dont cet appareil thermodynamique enregistre les différents rayonnements infrarouges (ondes de chaleur) émis par les corps et qui varient en fonction de leur température, l’artiste a vite été fasciné par un processus qui réduit les sujets humains à des figures essentielles, dénuées de caractéristiques ou spécificités superflues.
Installé deux mois durant dans les bureaux de l’agence Magnum à Paris, il a utilisé la technique thermique pour rendre compte de l’imprégnation de la ville désertée dans le confinement : ville plongée dans le silence, traversée par des corps aux attitudes stéréotypées, habitée surtout par les sans-abris qui apparaissent, à l’image, comme les derniers corps véritablement vivants et résistants, les compositions austères et teintées de flammes offrant une vision alternative et dystopique des rues qui se vident.
« Ce travail documentaire est dominé par l’utilisation de la technologie thermique car elle offre la capacité de capturer des informations que la photographie telle que nous la connaissons ne peut atteindre. Il n’est pas question d’esthétique mais de technique en cours de développement qui me permet de générer un langage visuel qui appréhende la réalité dans une perspective à la fois existentielle et politique.
Alors que le coronavirus déchirait le continent et que les populations s’isolaient, nourri de quelques mots d’Henry James – Nous travaillons dans le noir – nous faisons ce que nous pouvons – nous donnons ce que nous avons. Notre doute est notre passion et notre passion est notre tâche – je traquais la chaleur emmagasinée par les corps, dans la rue d’abord, puis très vite dans les unités de soins continus et de réanimation Covid-19. J’ai produit ces deux derniers mois 13 000 images (6 500 dans le rues de la capitale, 6500 images dans divers hôpitaux où j’ai photographié soignants et patients dans les services destinés à affronter l’épidémie du Covid-19, dormant parfois des jours durant au sein même des structures hospitalières, photographiant les interactions entre ambulanciers, docteurs, infirmiers, aide soignants et malades, les gestuelles médicales, d’hygiène ou de réconfort.
La thermographie est plus qu’une technique : c’est le langage qui s’est imposé dans cette expérience où les êtres humains ont été soumis à plus qu’eux-mêmes, forcément massifiés par les mesures sécuritaires du confinement, et surexposés comme corps potentiellement dangereux les uns pour les autres.
Dans ce contexte où certains se voient prendre leur température en arrivant sur leur lieu de travail, la thermographie est la technique qui atteint le point d’ambivalence de la chaleur humaine : à la fois signe de survie, d’amour, et danger pandémique. Toute chaleur est signe de vie. Tout signe de vie peut devenir danger de mort. C’est dans cette ambivalence impossible que j’ai pu explorer, grâce à la technique thermodynamique, un langage inédit que je tente, peu à peu, d’approfondir dans le contexte de l’hôpital, où les corps apparaissent transfigurés, l’image thermique faisant surgir des postures, des détails dans les corps, des courbes et des zones imperceptibles à l’image nue. La technique thermique révélant alors la résistance à l’œuvre dans les rituels médicaux apparemment les plus froids.
VIRUS est le nouvel opus d’une expérience photographique née de ma nécessité de prendre part à une situation d’exception sanitaire depuis une position intensive mais vouée, à court terme, à rendre compte des symptômes et aboutissement d’une crise économique et sociale inéluctable. C’est dans le monde du travail, par le décryptage de rapports de force inédits qui découlent de logiques économiques en pleine mutation, et toujours à l’aide de stratégies esthétiques nouvelles et expérimentales que j’ai voulu faire apparaître comment les corps résistent à leur domestication capitaliste et à la surveillance intégrale des conduites. Le chemin photographique épouse la chronologie des événements économiques à venir, en soulignant les grandes séquences d’une évolution qui pourrait être brutale. Écrit aussi au plus près des tendances imaginaires, psychiques et politiques de l’évolution de la pandémie, je poursuis avec la même obstination à parfaire mon atlas intime et politique. Car l’existentiel n’est jamais réductible à des gestes, mais ne se saisit amplement que dans un acte plus grand : celui de l’artiste qui veut tout, et s’en donne les moyens. Le caractère sériel et futuriste des corps domestiqués par le quotidien du confinement se trouvant accentué et dénoncé par la cruauté des faits que les images consignent.
Un sentiment de responsabilité, d’obligation collective, de voir et saisir en détail, jour après jour, le mélange de violence et de douceur, d’austérité politique et de solidarité, a guidé ma démarche. Le geste photographique se déploie dans ce même souci, dans cette situation tragique et froide dont je ne peux me détourner. »
Antoine d’Agata – juin 2020
« Antoine d’Agata a réalisé ces images, comme autant de hantises troubles, de marques de stupéfaction qui labourent nos imaginaires et nos mémoires. Celles de nos propres crimes, où qu’ils aient lieu dans le monde. »
Mathilde Girard – Écrivaine
© Antoine d’Agata
© Antoine d’Agata
© Antoine d’Agata
© Antoine d’Agata
Cour de l’archevêché
Place de la république
13200 Arles
contact
Christophe Laloi / Aline Phanariotis
06 62 82 43 62
Inaugurée en juillet 2007, la Galerie Voies Off est un prolongement naturel du Festival Voies Off, dont la vocation est depuis 25 ans le soutien à la création photographique émergente.
Ouverte toute l’année, implantée dans le centre ancien de la ville d’Arles, elle s’étend sur 150m2, dédiés à la photographie contemporaine.
Sous la direction de Christophe Laloi, la Galerie Voies Off :: Arles propose une programmation de jeunes auteurs ou d’artistes confirmés. Dans le souci de soutenir toujours plus intensément les talents émergents de la photographie, la Galerie Voies Off s’attache également à développer des relations étroites avec de jeunes artistes.
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Established in July 2007, the Voies Off Gallery is a natural extension of the Voies Off Festival, dedicated for 25 years to promote and support emerging photography.
Open all year round, located in the old center of Arles, near the Roman Amphitheater, its 1600 square feet space is exclusively dedicated to contemporary photography. Under the direction of Christophe Laloi, the Voies Off Gallery offers a program of both young authors and experienced artists. The Voies Off Gallery also develops close relationships with young artists in order to support emerging photography.